Mélange de beauté et de cruauté propre aux créatures des contes de fées. Queue de cheval empaillée, enrubannée et emperlousée, estampes japonaises portant les empreintes de poissons radioactifs, fragile biche de plâtre blanc aux pattes en lame de couteau, passementerie brodée d’hameçons tranchants... Toute petite déjà, j’ai une attirance pour les terriers, les trous noirs, le cosmos. Je grandis en ville, dans un quartier où la nature voisine les cheminées géantes des plateformes chimiques. Pourtant, je suis fortement imprégnée par la culture paysanne et les traditions de la vallée haut-alpine, où je passe une partie de ma vie familiale. J’y apprends à dépecer un lapin, la manière de lui retirer son pyjama, m’amuse à torturer les « gendarmes » en écrasant leur carapace...

 

Slaughterhouse #57, encre sur papier, 21cm x 30cm, 2014

Le rapport que l’homme entretient avec la violence est le cœur de ma recherche. La cruauté effraye et cela amène à la dissimuler pour ne pas la voir. Au cours des siècles, cette peur a poussé à se conformer à un idéal et a orienté l’être dans une quête de perfection. Mais les conventions sociales, les morales, les croyances, bases pour établir une société structurée, deviennent dangereuses pour la vie quand elles se transforment en aliénation. Dès lors, une cruauté grotesque, conséquence d’une communauté hypocrite et dégénérée, se met en place. Face à ce constat, ma position n’est pas celle d’un juge, mais d’un spectateur amusé.

Slaughterhouse #99, encre d'imprimerie sur mur, 210cm x 300cm, 2016

La faune et la flore, tout particulièrement l’image animale, me servent de vecteur par le biais de leurs pouvoirs symboliques. Elles portent à la sublimation des sentiments. Ma pratique est protéiforme, pourtant, j’attache beaucoup d’importance à produire moi-même mes pièces, même quand elles demandent des compétences techniques que je ne possède pas. En raison de ce manque, je rentre en contact avec des artisans, grâce auxquels je peux acquérir des savoirs manuels. Malgré tout, mes capacités ne pourront jamais égaler celles de mes maîtres. Mes œuvres contiennent donc des imperfections, des défauts et une certaine forme de fragilité que je revendique pleinement.

Selon le projet que je développe, je m’approche pour ensuite plonger, quotidiennement, dans l’univers de différentes tribus de société, collectifs d’individus qui se réunissent autour d’un intérêt commun : danseurs tribales, cavaliers, éleveurs, sportifs, paysans, chasseurs, bourgeoisie... Chaque groupe représente un monde bien particulier avec ses formes plastiques, ses règles, ses liens et ses codes. Ces caractéristiques nourrissent en profondeur mon travail.

Courtillière #06, encre sur papier, 21cm x 30cm, 2012